La Turbie révélée par son cadastre de 1702 « Il Registro »
Article paru dans le n °12 de la revue « MESCLUN » - janvier 1990
Document original : Archives départementales des Alpes-Maritimes: cote 3 E 67/14 - 1 exemplaire à la bibliothèque de la Fondation Barbera Bernard à La Turbie.
Introduction
Au-dessus de la principauté de Monaco, dominant l'étendue marine, à partir des terrasses du Mont-Agel culminant à 1100 mètres, le site de La Turbie, depuis les plus lointaines origines mythiques et ligures, a été un point de "passage obligé" sur l'axe routier du littoral méditerranéen.
Le grand moteur des siècles a tourné et maintenant La Turbie, entraînée dans le tourbillon du renouveau économique de l'étonnant Etat monégasque, depuis la décade 60, vit une phase active de transformation.
L'installation de nombreux résidents, le développement et la dispersion des constructions nouvelles, l'implantation de lotissements, le "mitage" des campagnes avec le déclin de la ruralité, ont imprimé à la commune une expansion démographique importante.
Déjà, aux dernières décennies du siècle dernier et au début du XXème siècle, lors de la première explosion économique de la Principauté, La Turbie s'imposait aux touristes des classes aisées, friands d'insolite, par ces images contrastées que développaient astucieusement les journalistes mondains de la "belle époque", tel G. Prade dans "La Vie au brand air" : "Au-dessus de nous, roc monstrueux, sauvage et nu, c'est La Turbie, pauvre et triste village à la Tour en ruines, caché dans un pli de la massive Tête de Chien qui regarde la mer au loin, comme un dogue mafflu et massif, accroupi sur la rade enchanteresse" (1).
Maintenant, alors que les familles autochtones sont nettement minoritaires, de nombreux Turbiasques s'interrogent sur le passé de ce terroir : avec les nouvelles demandes de permis de construire, avec les contraintes du Plan d'occupation des sols (POS) et les contestations de limites parcellaires, le service du cadastre n'a jamais été autant sollicité.
Pour la connaissance historique de La Turbie un document bien conservé et
exhaustif a une importance capitale : c'est le cadastre de 1702. A l'heure où nous assistons à toutes les mutations, non seulement foncières, mais, aussi et surtout, sociale, économique, culturelle, technologique, ce document s'impose à nous comme une pièce maîtresse de notre patrimoine.
Nous allons tenter d'en cerner le contenu, non seulement dans le contexte socio-économique local du début du XVIIIème siècle, mais aussi en y puisant des éléments de réflexion sur l'évolution du droit de propriété depuis le lointain Moyen Age et au fil des générations si diverses qui se sont succédé sur cette terre rude mais, oh combien, grandiose.